Entre l’hystérie et la psychanalyse, l’alliance originelle établie par Freud se trouve sans cesse renouvelée et l’hystérie demeure un moteur essentiel de la réflexion et du progrès de la psychanalyse.
Si les éléments structurels de l’hystérie sont demeurés relativement invariables, sa symptomatologie ainsi que ses manifestations ont évolué et évoluent encore avec l’air du temps. L’hystérie se déroule en effet dans un espace culturel donné, c’est-à-dire à une époque donnée et dans un lieu donné. Nous parlerons donc des symptômes hystériques dans l’espace de la modernité et au Liban.
II ne s’agira nullement de sociologiser l’étude psychanalytique de l’hystérie dont la structure représente un invariant, ni de faire de l’ethnopsychologie, de discriminer un groupe, « les femmes hystériques libanaises » ou de verser dans ce que Jacques Derrida appelle « le narcissisme des minorités », encore moins de sombrer dans un communautarisme réducteur.
Dans notre écoute d’analyste, il n’y a qu’un être en souffrance, un sujet en détresse, qui nous signifie par ses symptômes son mal-être et comme l’a dit hier M. Landman, son exclusion du monde pour se maintenir sujet.
Sur un plan général, l’espace culturel moderne est un espace de vulgarisation de la plupart des notions psychanalytiques classiques: films, magazines, livres, revues… Tout parle de psy et tout le monde parle psy. La psychanalyse s’est répandue dans le monde et dans le grand public, avec tout ce que cette expansion vulgarisée peut induire comme prise de conscience provoquer comme réactions défensives.
L’espace culturel moderne est aussi un espace de médicalisation excessive des troubles psychiques de plus en plus ignorés comme signe d’un malaise global, comme message adressé par une personne totale, un sujet en souffrance. Le complexe médio-pharmacologique, sous-tendu par une idéologie scientiste, représente l’un des moyens d’instaurer et d’aviver cette médicalisation outrancière des troubles psychiques. Les névroses se trouvent ainsi ignorées en tant que telles par les médecins et les psychothérapeutes et pulvérisées en troubles atomisés que les médecins essaient de soigner chacun isolement: anorexie et boulimie sont ainsi pulvérisés en boule, et regroupés sous la rubrique des troubles alimentaires.
Avant de parler de la désubjectivation que le scientisme moderne provoque ou entretient, notons qu’au Liban, le Je individuel est souvent noyé, immergé dans le nous familial, voire clanique et quasi-tribal. II y a donc un premier cheminement à parcourir pour s’autonomiser, pour s’individualiser avant de devenir sujet sexué, homme ou femme.
Par ailleurs, parmi les acquis de la modernité figure, entre autres, pour les femmes, le droit à la contraception et à la liberté sexuelle. Autrement dit, le droit à être maîtresses de leurs corps, de leurs désirs comme des modes d’expression de ces désirs.
Ces droits, considérés aujourd’hui comme élémentaires en Occident ne sont toutefois pas encore reconnus dans notre société qui ne propose aux femmes libanaises que deux modèles de féminité:
– Le premier se résumerait en: sois mère et tais-toi, comme si hors la maternité il n’y avait pas d’épanouissement possible. C’est ce que Elizabeth Roudinesco appelle le maternalocentrisme.
– Le second en : sois soumise et tais-toi.
Ces deux images leur sont inculquées dès leur plus jeune âge: en effet, petite fille soumise à son père, jeune fille étroitement surveillée par son père, ses frères, ses oncles et même ses cousins, jeune femme encadrée et soumise par son mari, voire sa belle-famille, la fille libanaise est élevée dans le déni de son corps de femme et dans le but de devenir mère procréatrice, femme soumise et… silencieuse à défaut d’être consentante. Ce modèle, accepté avant l’invasion des moyens de communication modernes, posait moins de problèmes à nos mères pour qui le plaisir était une notion qu’elles occultaient spontanément de leur vie de femme. Notons à ce propos qu’alors que le lieu d’habitation du couple se dit en français » domicile conjugal « , en arabe c’est » la maison de la soumission « , celle-ci étant évidemment celle de la femme. Et si une femme en Occident quitte son foyer, elle est coupable d’abandon de domicile conjugal. Au Liban, elle est ramenée au foyer au nom du « retour à la maison de la soumission ».
Pour la plupart des femmes libanaises, être femme n’est donc pas être sexuée, désirante et désirée, mais être mère. Comme me le dit un jour une patiente: » Pour moi une femme, même mariée mais sans enfant, n’est pas une femme sexuée. Mais si elle a un enfant, elle devient à mes yeux une femme sexuée… comme si avoir un enfant était pour moi la preuve qu’une fois au moins elle avait eu des relations sexuelle « .
Être femme au Liban, c’est aussi et surtout être interdite de Parole, et ceci se manifeste dans tous les domaines: ainsi, sur les 128 députés du Parlement libanais on ne compte que 3 femmes. II n’y a pas et il n’y a jamais eu de femme ministre et presque pas de femmes dans les centres de décision, que ce soit dans le domaine public ou dans le domaine privé. Comme si, dans la vie publique comme dans la vie privée, la femme était interdite d’exister et s’interdisait elle-même de l’être, dans la mesure où elle se perçoit et se vit souvent comme femme-objet, sans lien avec son corps. Comme si son corps lui-même, objet de plaisir pour son mari et de procréation pour le clan familial, ne lui appartenait pas… au point qu’elle n’était même pas censée le connaître. Ainsi je reçus un jour un homme d’une quarantaine d’années, instruit, bilingue, d’un milieu socio-économique aisé, et qui était littéralement en état de choc parce que sa femme lui avait dit quelques jours auparavant comment et où elle souhaitait qu’il la caresse pour qu’elle prenne davantage de plaisir à faire l’amour avec lui. Ahuri, il ne cessait de répéter: » Mais comment sait-elle cela? Qui le lui a appris? Je ne la vois plus comme ma femme, mais comme une putain et je n’arrive plus à faire l’amour avec elle ».
On voit par cet exemple combien -rappelons-le, pour la société libanaise traditionnelle- l’image du corps de la femme est, au mieux, floue et déniée, au pire, déformée et altérée, et comment en tout cas cette image doit être ignorée d’elle. Comment pourrait-elle alors sentir et vivre son corps comme corps-sujet, cause et source de plaisir?
Un nombre de plus en plus élevé de filles au Liban ont des relations sexuelles avant le mariage et nombreuses sont les femmes qui entretiennent des relations extraconjugales. Ceci n’est toutefois pas le signe d’une libération sexuelle dans la mesure où on ne perçoit pas de modification significative dans l’image que ces femmes elles-mêmes et la société ont de ces relations et de la femme en général.
Mais les progrès de la modernité et l’accessibilité des moyens de communication ont permis à ces femmes d’avoir accès à un autre modèle féminin et de recevoir un autre message de féminité incarné par la femme occidentale telle que présentée par les médias: des femmes qui s’expriment par la parole et par le corps, qui agissent librement, qui revendiquent l’égalité et même la parité, des femmes maîtresses de leurs désirs comme de leurs moyens d’expression. Bref des sujets à part entière, femmes sans être nécessairement mères, femmes même quand elles choisissent de n’être pas mères, femmes sexuellement libres sans honte, sans culpabilité, sans réprobation ou sanction sociale (sur TV5 : Prostitués qui revendiquent les droits de toutes les autres femmes qui ont un métier parce qu’elles considèrent ce qu’elles font comme un métier).
Ce modèle de femme-sujet occidental représente pour les femmes libanaises soumises et quasi bâillonnées, un Moi-Idéal qui les fascine autant qu’il les effraie, dans la mesure où il se trouve en contradiction avec le modèle traditionnel, seul valorisé et seul valorisant, qui leur est inculqué par leur société.
D’où désarroi et choix impossible à faire entre être mère au désir amputé ou être femme coupable de son désir. D’où les questions qu’elles se posent et nous posent sans cesse: suis-je une mauvaise mère parce que je veux être une femme sexuée ou dois-je renoncer à être femme sexuée pour être bonne mère?
Or nous savons que le phantasme de la mauvaise mère représente l’un des invariants de la structure hystérique. En effet, comme le dit François Perrier, l’hystérique mobilise en chacun de nous les défenses contre le mystère toujours renouvelé de la sexualité féminine et nous donne à voir l’imago impudique de la mauvaise mère.
De ces images ou modèles contradictoires impossibles à unifier, résulte, chez les femmes libanaises, une imago narcissique trouble. Trouble à plus d’un titre:
– parce qu’insuffisamment nette pour représenter un pôle identitaire structurant et valorisant.
– parce qu’elle sème le trouble et le désarroi dans leur corps, leurs sentiments et leur appréciation d’elles-mêmes.
– parce qu’elle déclenche des troubles somatiques et des symptômes hystériques.
D’autant plus que la femme libanaise, à la parole barrée, ne peut exprimer librement son malaise et son besoin de reconnaissance comme sujet désirant sans être dévalorisée, voire rejetée par la société phallocratique, où la révolution de la condition féminine se heurte à la résistance des hommes qui font corps pour empêcher les femmes de devenir maîtresses de leur propre corps et de leur vie.
Pendant la guerre, il y a eu un début de libération des femmes libanaises par leur insertion dans la vie politique et par la parole mais aussitôt la guerre terminée, une chape de plomb s’est abattue sur ces velléités. Est-ce l’influence des intégrismes? Un sursaut de puritanisme face à l’anarchie de la guerre? Ou une reprise en main par les hommes d’un pouvoir sur les femmes qui a risqué de leur échapper? Ou tout cela à la fois?
Cela, c’est l’espace culturel moderne et libanais dans lequel les symptômes hystériques se développent.
Comment dans ce contexte, ces symptômes se manifestent-ils?
Certaines femmes investissent des domaines particulièrement réservés aux hommes ou s’aventurent avec combativité dans des métiers typiquement » masculins « . C’est le militantisme hystérique ou versant actif de l’hystérie selon François Perrier. Elles disent par exemple qu’elles sont: » manager » et non directrice. Comme si vivre la vie des hommes était un moyen détourné d’acquérir la liberté dont les hommes jouissent, tout en conservant le respect de la société. Notons ici que le travail a, pour la femme libanaise, un sens différent que celui qu’il a pour la femme occidentale. En effet, si certaines femmes libanaises travaillent pour soutenir économiquement leur conjoint dans les dépenses du foyer en ces temps de crise économique, nombreuses sont celles qui choisissent de travailler non pour des raisons économiques mais pour partager le pouvoir avec les hommes, voire même pour rivaliser avec l’homme, pour le défier en cherchant à monopoliser ce pouvoir dans une attitude phallique qui embrouille davantage le problème de l’identité sexuelle.
Mais ces femmes ne tardent pas à réaliser que vivre comme un homme et chercher à s’approprier des attributs virils ne leur a pas permis d’accéder à la liberté recherchée, ni de s’épanouir en tant que femmes. Au contraire, elles se retrouvent souvent doublement piégées. D’abord par elles-mêmes, et nous entendons beaucoup de femmes âgées entre 30 et 40 ans nous confier leur amertume d’avoir sacrifié leur vie de femme et peut-être leur maternité à une lutte pour la reconnaissance en tant que partenaire de pouvoir sans avoir atteint leur objectif. Elles se sont, disent certaines, » amputées » d’un épanouissement partiel mais important de leur être pour viser un idéal d’épanouissement total qu’elles n’ont pas atteint.
» Je me retrouve vide, ma vie n’a pas de sens, je suis devenue un robot solitaire et inutile » me dira l’une d’elles. Ce problème, qui pourrait être celui de toute femme de carrière, est toutefois vécu différemment en Occident où la femme célibataire peut facilement vivre seule, avoir droit à une vie sexuelle libre, à la maternité, ce qui n’est pas en général le cas au Liban.
Le second piège réside dans l’attitude des hommes envers ces femmes de carrière: ou bien ils les perçoivent comme des rivales et les traitent comme des hommes selon les mêmes lois de la lutte acharnée pour le pouvoir. Elles se retrouvent alors désexualisées comme femmes et agressées comme collègues, traitées comme des hommes mais interdites de leur qualité de sujet désirant parce que toujours perçues comme femmes.
Ou bien elles ne sont perçues que comme « partenaire du jeu sexuel » comme le dit l’une d’elles, et consommées comme objet de désir ponctuel, passager, sans perspective de relation affective stable. Elles se plaignent alors d’être désirées sans être aimées, comme cette patiente qui me racontait qu’un de ses collègues avec qui elle s’entendait très bien et qu’elle croyait amoureux d’elle, lui avait dit la veille après avoir fait l’amour avec elle: » Je te désire follement, mais je ne t’aime pas et je ne t’aimerai jamais « . Après quoi elle a ajouté avec tristesse: » J’ai lutté pendant des années pour l’égalité et je n’ai récolté que l’équivalence. II veut que je me comporte en amour comme un homme. Je me sens un faux homme et une fausse femme « .
L’autre question principale de l’hystérique: suis-je homme ou suis-je femme se trouve alors amplifiée par cette situation qui fait de la femme une image symétrique de l’homme sans tenir compte de la différence des sexes et surtout de la reconnaissance mutuelle de cette différence dans un partage égalitaire du pouvoir comme du droit à désirer.
» Je ne sais plus ce que je suis ni ce que je veux être, me dira à ce propos une patiente. Je refuse d’être une femme écrasée comme ma mère, emprisonnée à vie dans cette condition à cause de ses enfants. Je ne veux pas être obligée de me taire, de rester à la maison pour le plaisir de mon mari et le service de mes enfants, de subir passivement. Je veux être libre, libre de rester si je veux et de partir si je suis malheureuse. Je veux pouvoir refuser de faire l’amour si je ne me sens pas appréciée, désirée et non traitée comme un meuble ou une propriété. Mais ce que je refuse surtout c’est d’être un homme et je ne veux pas être un homme. Alors, qu’est-ce que je suis, une femme ou un homme? Qu’est-ce que je veux et, surtout, qu’est-ce que je peux être? »
La relation homme-femme-mère-sexualité se trouve exprimée de manière concise dans ce que m’a dit l’une de mes patientes neuf mois après son accouchement: » C’est comme s’il y avait en moi quelque chose de paralysé depuis mon accouchement. En me rendant mère, mon mari m’a comme châtrée et désexualisée. Pour retrouver mon désir et ma sexualité, devrais-je réintégrer ma masculinité ou la part masculine en moi? « .
Ou cette autre patiente de trente-neuf ans: » Je fais six heures de sport par jour et je suis très heureuse quand quelqu’un me dit que j’ai le corps d’une adolescente de quatorze ans et plus encore quand on me dit : on ne sait pas si vous êtes un ou une adolescente. Je veux garder mon corps androgyne pour ne jamais être une femme comme toutes ces femmes martyres et saintes avec de gros seins, un ventre et des enfants « .
Ces remarques nous rappellent les propos de François Perrier quand il dit que l’hystérique nous donne à voir l’ambigu désordre d’une chair androgyne.
Certaines femmes choisissent une autre manière de tenter de résoudre leur doute identitaire. Pour se féminiser davantage et devenir, selon l’expression de l’une d’entre elles, une « bombe sexuelle », elles se mettent à copier le modèle de femme occidentale qui s’étale dans les pages de magazine, au cinéma… Comme si imiter l’apparence de ces femmes allait entraîner une ressemblance avec elles et leur permettre d’être à la fois plus féminines, c’est-à-dire plus séductrices et plus libres de leur sexualité.
Mais là aussi le malaise demeure, car dans cette course à la liberté à travers l’image dupliquée de femmes identiquement siliconées, aux cheveux identiquement éclatants de blondeur artificielle et aux yeux identiquement tirés sous des arcades sourcilières identiquement dessinées, la femme perd ce qui la singularise, ce qui fait d’elle un sujet, à savoir sa qualité essentielle d’être elle-même et unique, corps vivant et non figé dans une image stéréotypée.
Fausse recherche d’une fausse liberté, le malaise persiste et la structure hystérique s’alimente de ces données pour s’exprimer dans ces modes de manifestation particuliers et ces symptômes qui représentent un mode de décompensation d’une économie libidinale et relationnelle impossible à distribuer autrement. Comme si les femmes hystériques laissaient à leur corps ou à une partie de leur corps le soin d’être le messager de leur incapacité à se sexuer qu’elles présentent comme une défaillance dont elles ne seraient pas responsables et dont on ne peut par conséquent les accuser d’être coupables. On retrouve là l’attitude de l’hystérie défensive dont parle François Perrier: » L’hystérique s’exhibe passivement comme incapable de… », ce que nos patientes formulent en: » Je veux faire l’amour avec mon mari mais je ne peux pas « . » Je veux avoir des enfants mais je ne peux pas « . Comme si, du fait de l’érotisation de leurs symptômes, elles ne pouvaient assumer d’en être responsables. Ça ne vient pas d’elles, ça ne peut pas venir d’elles. Comme si elles mettaient à nu devant nous leur incapacité à être sujet de leur désir et à l’assumer en esquivant le dialogue par crainte d’être jugées et rejetées par elles-mêmes et par la société.
C’est donc leur corps, ce corps à la fois étrange et étranger, qui négocie les désirs conflictuels et qui parle avec le médecin ou le thérapeute en position de maître censé représenter l’Autre qui entendra et qui permettra, l’Autre qui ouvrira la voie ou le chemin du désir en entendant la voix du corps, parole à décoder, à libérer, parole de sujet souffrant.
Faute du support d’une Imago narcissique nette, l’hystérique ne peut clarifier ni son doute identitaire ni son image maternelle et compte sur le maître-médecin ou thérapeute pour décoder les messages de son corps défendu et anesthésié dans ses parties génitales en même temps que globalement surérotisé. A la recherche d’un maître à qui elle pourra se confier, elle se tourne d’abord vers le discours scientifique qui lui semble plus rassurant et plus rapidement efficace.
Et c’est là que le discours médical moderne semble faire barrage à l’écoute du sujet et même à lui imposer le refoulement. La plupart des médecins vont soigner des symptômes de plus en plus isolés en ignorant les notions de structure, de névrose, d’inconscient et de sujet. Ils accentuent ainsi le sentiment de morcellement du corps de l’hystérique et la poussent à mettre en échec le discours du maître qui n’entend pas le vrai message adressé par-delà le symptôme, qui ne perçoit pas que le symptôme n’est qu’un appel, une demande de reconnaissance. Rappelons que l’hystérique met en échec le discours de tout maître, qu’il soit médecin ou thérapeute, pour le forcer à écouter les vraies questions quant à son identité sexuelle et sa fonction maternelle et pour l’aider à accepter la loi qui la fera accéder au symbolisme et donc à accepter la castration.
Plus le médecin l’aborde par la science pharmacologique ou le thérapeute par le Tout-Savoir théorique, fixe, rigide ou directif comme la suggestion, plus l’hystérique se sent désubjectivisée. Elle s’enferme alors soit dans la non-participation à sa guérison ou retrait passif (ce n’est pas moi qui me guéris mais les médicaments), soit dans la rébellion symptomatique où le symptôme change ou s’intensifie mais ne cède à aucun traitement. Ou bien elle s’installe dans une pseudo-guérison, reflet du désir ou des suggestions de son médecin ou de son analyste sans assumer sa maladie dans laquelle elle ne tarde pas à rechuter.
Qu’elle revendique la féminité avec autant de force et d’énergie qu’elle refuse le féminin ou qu’elle s’agrippe à son être-phallus pour réparer la féminité blessée de sa mère, ce que la femme hystérique libanaise veut nous faire entendre, c’est son manque à être un sujet clairement sexué par carence de modèle identificatoire féminin idéal et valorisant de femme à la fois mère, féminine et sexuellement libre, désirée et aimée à la fois, et par carence d’image masculine valorisée de père à la fois désirant et aimant.
Je terminerai par cette question de ma patiente, enceinte pour la seconde fois, déjà mère d’un petit garçon et désirant un autre garçon: « La psychanalyse me libèrera-t-elle un jour de mes préjugés sur le sexe féminin et ses chances de bonheur? »
Novembre 2002